Notor est le pseudonyme choisi par un personnage singulier, d’une certaine manière attachant et en tout cas original : Marie, Alexandre, Gabriel, vicomte de Roton (1865-1964) . Dans ce que ses proches appellent la première partie de sa vie, il fit des voyages avec sa mère, devenue veuve à 23 ans, et avec son jeune frère, jusqu’à son mariage à l’âge de 45 ans.
Il fit des études à Paris, fut pour un temps condisciple de Victor Bérard et, en 1883-1884 (en classe de rhétorique), de Paul Claudel, au lycée Louis le Grand. Par la suite, il fut élève de l’Ecole du Louvre et auditeur libre à l’Ecole des Chartes.
Dans la deuxième partie de sa vie qu’il passa essentiellement au château de Rayne Vigneau, à Bommes (près de Sauternes), dans la propriété de sa belle famille, il se consacra principalement à la réalisation et à la promotion de ses ouvrages et à la constitution d’une collection de minéraux qui comportait plus de 20 000 pièces à la fin de sa vie. Pendant la guerre de 14-18, n’ayant pas eu l’autorisation de s’engager dans les armées (il avait 49 ans en 1914), il créa à Bommes, avec le concours des propriétaires du château Yquem, un hôpital pour la convalescence des soldats blessés (l’hôpital auxiliaire 301). Il fut maire de Bommes de 1919 à 1935 et devint un notable de la Gironde. Malgré une surdité qui s’aggrava au fil des ans, il poursuivit jusqu’à la fin de sa vie ses activités culturelles. Il s’éteignit en 1964, alors qu’il allait entrer dans sa centième année.
Né en 1865 dans les dernières années du second Empire et décédé au milieu du siècle suivant, il apparaît comme un gentilhomme de la noblesse terrienne et comme un notable éclairé, préservant au vingtième siècle des usages, des valeurs et des comportements de l’ancien temps. Certaines de ses attitudes en faisaient un personnage original. Le château de Rayne Vigneau, premier grand cru de Sauternes, appartenait à sa belle famille et, étant sur place, c’est lui qui en assurait la gestion, ce qui l’intéressait autant que ses dessins et ses gemmes dont il confiait la taille aux ateliers de Royat. Il ouvrit alors chez lui un musée minéralogique régional, présentant « plus de douze mille pièces rares, dont 2000 sont taillées et polies selon les principes mêmes du diamant » . (1)
Ce personnage singulier était en quête de reconnaissance scientifique. Pour promouvoir sa collection minéralogique, il entra en correspondance avec des hommes de sciences reconnus, et donna 2000 minéraux de sa collection à diverses institutions scientifiques, à des musées et laboratoires de France, d’Europe et d’Amérique. D’une certaine manière, nous le verrons, c’est la même attitude qui le conduisit à chercher pour ses images grecques une reconnaissance universitaire.
Il fut vice-président du syndicat viticole de la région de Sauternes et de Barsarc, mais il accordait sans doute plus d’importance à sa présence dans de nombreuses sociétés académiques : il fut vice-président de l’Académie Montesquieu, membre associé de l ’Académie nationale des Sciences, Belles lettres et Arts de Bordeaux, membre de la société archéologique de Bordeaux, de la société des écrivains d’Aquitaine ; de l’association Guillaume Budé, de la société linnéenne de Bordeaux, de la société française de minéralogie et de cristallographie, de la société d’Histoire naturelle de Toulouse et de la société des Amis du Muséum de Paris ; il était correspondant de l’Académie d’Athènes et de l’Académie internationale de la céramique à Genève ; il fut vice-président du syndicat des journalistes et écrivains, membre du comité France-Grèce et de la société Paul Claudel. Il aimait à dire que son existence avait été « presque exclusivement consacrée au triple culte des Sciences, des Lettres et des Arts » . (2)
(1) Charles Dormontal, Sauternes « Pays d’or et de diamant », 1930, p. 152. Charles Dormontal [pseudonyme de Charles Roche] était le fils d’Oscar Roche, pendant longtemps régisseur du premier cru de Sauternes qui appartenait à la famille du vicomte de Roton. Le vicomte de Roton considérait Charles Dormontal comme son fils spirituel.
(2) « Curriculum vitae » établi par le vicomte de Roton, archives de M. et Mme Vinot Préfontaine.