Le charme de ces images grecques est de porter souvent une empreinte originale de Notor. Elles nous montrent des transformations qui, au fil du temps, modifient son regard.
Nous l’avons vu pour les images colorisées : ces colorisations intéressèrent Notor pendant une vingtaine d’années, puis il y renonça. Nous pouvons faire d’autres observations de même nature.
Dans la bonne humeur comique de Lysistrata, Notor pouvait proposer une image comme celle-ci :
Nous venons de rencontrer l’illustration d’un « On murmura ». Ce « Qu’y-a-t-il ? » est pareillement souriant. On notera cet encadrement par un fond noir librement découpé : cet effet graphique se répète dans le même volume, mais ne se retrouve pas ailleurs. Notor l’a ainsi mis à l’essai puis abandonné.
Cette manière ne pouvait trouver sa place dans le registre choisi par Notor pour son Iliade et son Odyssée. Le désordre du découpage et la désinvolture de la légende n’auraient plus trouvé de légitimité dans le sérieux de l’épopée homérique.
C’est un constat comparable que nous pourrons faire en observant le traitement différent de certaines images dans Les Chansons de Bilitis d’abord, et dans les livres homériques ensuite. Le déplacement interprétatif est accompagné par une modification graphique.
Dans Les Chansons de Bilitis (p. 129 et ci-dessous), cette scène est encadrée dans un médaillon (qui est une invention du dessinateur). —On notera que le pied de la jeune femme sort légèrement du cercle : effet d’élégance graphique, que l’on voit d’ailleurs pratiqué par des peintres grecs ; on relève aussi l’adjonction de rehauts blancs. La jeune femme représentée est identifiée à Bilitis, qui expliquerait à un éphèbe qu’elle aime désormais une jeune fille.
LA METAMORPHOSE
Je fus jadis amoureuse de la beauté des jeunes hommes, et le souvenir de leurs paroles, jadis, me tint éveillée. Je me souviens d'avoir gravé un nom dans l'écorce d'un platane. Je me souviens d'avoir laissé un morceau de ma tunique dans un chemin où passait quelqu'un. Je me souviens d'avoir aimé... O Pannychis, mon enfant, en quelles mains t'ai-je laissée ? comment, ô malheureuse, t'ai-je abandonnée ? Aujourd'hui Mnasidika seule, et pour toujours, me possède. Qu'elle reçoive en sacrifice le bonheur de ceux que j'ai quittés pour elle.
Dans L’Odyssée (p. 217), le cadrage rectangulaire est plus conforme au support initial, et le sens est totalement différent …
Dans Les Chansons de Bilitis, la grâce du médaillon, l’emploi d’une couleur rose pâle pour les personnages, les rehauts blancs, le jeu graphique du pied qui sort l égèrement du cadre : ces options sont en accord avec la légèreté discrètement transgressive et librement insolente de l’univers suggéré par Pierre Louÿs. Dans l’Odyssée, rigueur de l’encadrement rectangulaire, contraste net entre l’orangé des figures et le fond noir, suppression des élégances ajoutées, noblesse de l’élégance sobre.
Cette autre image fut d’abord présentée dans Les Chansons de Bilitis (p. 324), avec un cadre qui procède à un premier découpage de l’image originelle – et qui laisse l’éventail sortir du champ qu’il dessine.
LA JEUNE MERE
Ne crois pas, Myromêris, que, d'avoir été mère, tu sois moindre en beauté. Voici que ton corps sous la robe a noyé ses formes grêles dans une voluptueuse mollesse. Tes seins sont deux vastes fleurs renversées sur ta poitrine, et dont la queue coupée nourrit une sève laiteuse. Ton ventre plus doux défaille sous la main. Et maintenant considère la toute petite enfant qui est née du frisson que tu as eu un soir dans les bras d'un passant dont tu ne sais plus le nom. Rêve à sa lointaine destinée. Ces yeux qui s'ouvrent à peine s'allongeront un jour d'une ligne de fard noir, et ils sèmeront aux hommes la douleur ou la joie, d'un mouvement de leurs cils.
Notor utilisait ici la partie supérieure de l’image du vase apulien au « jeune pastoureau » que nous avons déjà rencontrée plus haut.
Il retient ici la représentation d’Aphrodite accompagnée d’Eros. Le découpage insolite qui creuse un rectangle vide est provoqué par l’élimination du « jeune pastoureau ». Et cette Aphrodite devient ici une jeune mère.
L’image se retrouve dans L’Odyssée (p. 109), avec un autre cadrage (l’Eros assis a disparu) ; elle est désormais inscrite dans un médaillon et porteuse d’une nouvelle signification. La « jeune mère » devient la reine des Phéaciens :
Dans ce nouvel emploi de l’image, la régularité du cercle qui met en valeur de façon harmonieuse la figure féminine est accordée à la noblesse de la reine Arété.
Un dernier exemple témoignera d’une même transformation à la fois interprétative et graphique :
Dans Les Chansons de Bilitis (p. 48) cette figure féminine nous conduisait dans le secret des confidences érotiques :
LES CONFIDENCES
Le lendemain, je suis allée chez elle, et nous avons rougi dès que nous nous sommes vues. Elle m'a fait entrer dans sa chambre pour que nous fussions toutes seules. J'avais beaucoup de choses à lui dire ; mais en la voyant j'oubliai. Je n'osais pas même me jeter à son cou, je regardais sa ceinture haute. Je m'étonnais que rien n'eût changé sur son visage, qu'elle semblât encore mon amie et que cependant, depuis la veille, elle eût appris tant de choses qui m'effarouchaient. Soudain je m'assis sur ses genoux, je la pris dans mes bras, je lui parlai à l'oreille vivement, anxieusement. Alors elle mit sa main contre la mienne, et me dit tout.
Nous retrouvons un cadrage « artiste », qui isole avec élégance le personnage d’un groupe dont nous ne saurions rien.
Notor retient cette même femme pour en faire une image de Pénélope dans son Odyssée (p. 263). C’est un nouveau traitement graphique qui apportera alors la noblesse que la nouvelle interprétation imposait désormais. Notor choisit de resserrer le plan, de supprimer le bas du corps de la femme, de modifier légèrement l’orientation de la figure et de l’inscrire dans la régularité du médaillon :
Noblesse simple, élégance dépouillée : les images dont Notor faisait des images homériques ont cette évidence paisible. Ces images sont toutes régulières, souvent de grande dimension. Les images noir et blanc sont parfaitement contrastées, comme les images qui présentent des figures orangées sur fond noir. Les fonds noirs (d’un noir mat) sont absolument homogènes (Notor veillait avec soin à faire disparaître les points blancs, les irrégularités). Jamais aucune trace de fissure ou de lacune. La sérénité de ces gravures suggère la fraîcheur et la perfection : ces images nous évoquent bien un rêve tenace du vicomte de Roton.
Pour être un peu original dans son siècle, Notor était évidemment marqué par le climat culturel qu’il avait connu dans la première partie de sa vie. Et l’on peut percevoir dans ses images grecques des reflets qui nous évoquent aussi la Belle Epoque. La femme dans l’antiquité grecque, Lysistrata, Aspasie et Phryné : Notor a particulièrement aimé ces images de femmes élégantes, parfois mélancoliques et majestueuses, parfois librement dénudées. Quand ces figures apparaissaient dans des images colorisées, ce parfum venu de la Belle Epoque était bien perceptible. Mais nous pourrions en retrouver aussi des effluves sur les pages de couverture que Notor choisit pour son Iliade et pour son Odyssée :
Pour nous accueillir à l’ouverture de L’Iliade (dans l’édition de 1943 comme dans l’édition de 1950), « la jolie Briséis » ; à l’ouverture de L’Odyssée, « Pénélope, reine d’Ithaque » .(19)
Il est déjà un peu étonnant de trouver à l’ouverture de L’Odyssée cette image de Pénélope : une image d’Ulysse aurait paru mieux convenir. Notor pouvait légitimer ce choix en soulignant l’importance de Pénélope dans un poème qui, en ses commencements, nous montre Ulysse retenu par Calypso mais n’aspirant qu’à retrouver Pénélope, et qui trouve sa conclusion dans le retour d’Ulysse à Ithaque et dans sa reconnaissance par sa femme. D’une certaine manière, l’Odyssée est un poème de la mémoire et du souvenir de la communauté conjugale.
Mais la présence de Briséis à l’ouverture de L’Iliade était plus surprenante encore. Même si la décision d’Agamemnon qui l’arrache à Achille détermine une colère qui est au cœur de l’épopée, même si Briséis est un personnage touchant, le personnage qui domine toute l’Iliade homérique est bien Achille, le meilleur des Achéens. Et s’il fallait retenir un nom de femme, Hélène et Andromaque auraient eu sans doute plus de légitimité.
Cette figure de Briséis a surpris en effet les éditeurs grecs qui en 1998 ont réédité L’Iliade illustrée par la céramique grecque de 1943 et qui n’ont changé qu’une image : celle de cette page de couverture où ils ont redonné sa prééminence à Achille.
Notor disposait bien sûr de cette image d’Achille, qu’il publie d’ailleurs en pages intérieures dans son Iliade (p. 213) avec cette légende :
« Achille, armé de sa lourde, longe et forte lance paternelle » Chant XIX. 387-391. Peinture d’une amphore panathénaïque. (Vatican).Mais Notor préférait lui l’image de Briséis… A l’ouverture de son Iliade, il préférait poser, plutôt qu’une image de force héroïque, une figure féminine à la douceur sensuelle .(20)
Et il mettait Briséis en valeur non seulement dans le médaillon de la couverture, mais aussi juste après les pages de titre, avant la préface de Jean-Paul Alaux, en lui redonnant alors sa pleine dimension :
L’image est ici très restaurée car l’image réelle du vase est abîmée par plusieurs lacunes. Les déformations liées à la courbure du vase sont effacées. La jeune femme y gagne une élégance souveraine.
Notor aimait aussi la présence de l’inscription « Briséis » qui venait par avance authentifier en quelque sorte toutes les attributions qui devaient être ensuite établies.
Pour légitimer son choix, il cite un ensemble de références : Chant I. 184-318-348 ; II. 683-694 ; XIX. 276-346. Dans ces passages, Briséis est souvent qualifiée par l’épithète formulaire « aux belles joues ». Notor préfère une désignation plus naturelle, « la jolie Briséis » comme s’il voulait rapprocher Briséis de notre sensibilité (on remarquera que la traduction anglaise de la légende -l’édition est trilingue- rétablit la formule homérique : « Briseis of the fair cheeks »).
Et nous voyons la confirmation de cette prédilection qui porte Notor vers Briséis dans le choix de la grande image en couleur qui ouvre le chant I : Notor retient non pas la scène d’affrontement inaugural entre Agamemnon et Achille, mais une scène montrant Briséis enlevée à Achille :
Ce rêve était ostensiblement souligné par les éditeurs de L’Iliade et de L’Odyssée illustrées par la céramique grecque.
Après la guerre, en 1951, pour annoncer la nouvelle édition double - et trilingue-, les éditions Delmas se livrent à une célébration curieusement grandiloquente :
« Cette somme imposante et magistrale arrive à une époque où un très grand nombre des chefs-d’œuvre anciens des grandes collections européennes ont été malheureusement détruits au cours des hostilités. Elle représente donc la dernière sauvegarde, l’ultime survivance de ces pièces uniques disparues – et ressuscitées par le crayon du Maître NOTOR. Trésor des Bibliophiles d’élite, cette édition répond à la fois à une nécessité et à un témoignage. Elle peut être considérée comme la plus haute contribution actuelle à la gloire de l’Art antique et au culte du divin HOMERE. »Ces images viendraient ainsi directement du regard porté par l’illustrateur sur les vases, elles seraient immédiatement accordées au texte d’Homère. C’est ce que nous dit aussi la préface de Jean-Paul Alaux pour l’Iliade (p. 10-11) :
« Avec les illustrations de Notor, d’après des peintures de vases grecs, toutes d’une si parfaite homogénéité, combien l’Iliade y trouve de beautés naturelles qui la font resplendir encore ! L’image devient ainsi le commentaire direct des épisodes de la grande épopée. Ce n’est pas seulement le poète qui parle, c’est un rideau qui se lève sur une scène où nous voyons agir les héros et les dieux comme s’ils étaient vivants. (…) Les dessins font penser qu’on a sous les yeux les originaux eux-mêmes, avec cet avantage qu’en développant les parties cintrées l’œil n’est gêné par aucune déformation comme il s’en est produit sur les photographies, si belles soient-elles, qu’on a publiées sur ces vases. (…) mais ce qui donne à l’album une valeur exceptionnelle, c’est que chacune des planches se rattache exactement à un ou à plusieurs vers de la célèbre épopée, si bien que l’auteur, après une recherche qui fait le plus grand honneur à sa conscience d’érudit et à sa remarquable culture hellénique, a pu juxtaposer en légendes les vers exacts qui se rapportent à ces éblouissantes évocations. Ainsi les dessins de Notor reflètent si parfaitement la pensée homérique que l’on ouvre les pages de son album avec la sensation d’Homère illustré par lui-même. »Ces formulations impliquaient, nous l’avons noté, une part de mystification. Mais elles témoignaient aussi de ce désir de transparence : retrouver, comme naturellement, le monde privilégié de l’antiquité grecque. C’est un rêve qui s’exprime aussi dans une lettre que Claudel adresse à Notor en novembre 1951 après avoir reçu les deux volumes de L’Iliade et L’Odyssée illustrées par la céramique grecque :
« Jusqu’ici l’art grec était pour moi le domaine de l’immobilité ; de la terre fragile vous avez fait sortir toute une humanité vivante dans une prodigieuse justesse de mouvements toujours nobles. C’est un véritable trésor » (21)Ce rêve est séduisant. Mais les images de Notor n’étaient pas l’expression immédiate de ce que nous montraient les vases grecs. Et l’imagerie de ces vases grecs n’était pas non plus une fenêtre directement ouverte sur la vie réelle dans la Grèce antique.
L’image procède à des sélections, à des transpositions, elle obéit à des codes qui lui sont propres. Notor (comme beaucoup de ses contemporains) ne prend pas en compte -et sans doute ne soupçonne pas- la distance que les images des vases grecs entretiennent avec la réalité de la vie dans la Grèce antique.
Est ignorée aussi la distance qui éloigne parfois ces images des textes littéraires dont elles paraissent solidaires. Il existe ainsi des traditions iconographiques qui gardent une certaine indépendance par rapport aux textes homériques auxquels elles semblent pourtant renvoyer.
Prenons l’exemple de cette image d’une hydrie de Naples que l’on trouve déclinée à trois reprises dans L’Odyssée de Notor. Voici d’abord une vue circulaire de ce vase : (22)
Notor donne un déroulé presque complet (voir page suivante) de cette image circulaire, dont il supprime simplement le groupe qui, tout à fait à gauche, montre le départ d’Enée, d’Anchise et d’Ascagne. — la comparaison de ces deux images rend sensibles les transformations apportées par la gravure suivant les règles de projection de Mercator.
Le déroulé donné par Notor apparaît à la page 119 pour illustrer le passage du chant VIII où l’aède Démodocos chante devant Ulysse, dans le palais du roi Alkinoos, la destruction de Troie. L’image se réfère aux vers 514-520 que voici :
« Et l’aède chanta la ville ravagée, et jaillis du cheval, les Achéens quittant le creux de l’embuscade, et chacun d’eux pillant son coin de ville haute, et brave comme Arès, Ulysse accompagnant le divin Ménélas jusque chez Déiphobe, et tous deux affrontant la plus dure des luttes et devant leur victoire au grand cœur d’Athéna. »On le voit : le chant de Démodocos reste très général. L’image est beaucoup plus précise :
Sont ici juxtaposés des moments majeurs de la destruction de Troie. A gauche, les violences faites par Ajax, fils d’Oïlée, à Cassandre qui enserre pourtant de son bras la statue d’Athéna ; puis la mise à mort de Priam par Néoptolème (laissons de côté ici l es figures de la partie droite de l’image). Notor propose une liste de noms, posés sous les personnages qu’ils désignent, et donne ce titre général : « Prise d’Ilion, massacre des Priamides par Ajax, Néoptolème et Diomède » (ce titre est inexact : Cassandre est violentée, mais pas massacrée par Ajax). C’est une image qui dit manifestement beaucoup plus que les quelques vers de Démodocos indiqués en référence.
Nous vérifions cette dissonance quand Notor propose successivement deux détails de cette scène. Il leur donne un éclat particulier à l’ouverture des chants V et XIII, où ils sont traités sous la forme d’une grande image en couleur.
Le chant XIII (p. 177) présente la scène de gauche de l’image générale (et du déroulé ci-dessus) :
La légende de cette image :
« Prise de Troie.—Scène de carnage. Après avoir tué Corœbos, Ajax s’apprête à percer le flanc de Cassandre toute nue ».L’erreur déjà signalée est répétée : Ajax ne tue pas Cassandre.
La référence renvoie aux vers 315-317 du chant XIII, où Ulysse adresse ces propos à Athéna :
« Du jour que l’on eut saccagé sur la butte la ville de Priam, et que, montés à bord, un dieu nous dispersa, dès lors fille de Zeus, je cessai de te voir. »Là aussi se découvre une distance étonnante entre le texte homérique (très elliptique) et l’image appelée par Notor pour l’illustrer.
Le problème est plus profond sans doute pour l’image qui ouvre le chant V (p. 81) :
La légende est particulièrement précise :
« Prise de Troie. Assis sur l’autel de Zeus Herkéios, le vieux roi Priam avec, sur ses genoux, l e petit Astyanax tout ensanglanté, est massacré par Néoptolème. A leurs pieds, Politès est étendu mort. (Détail). Chant V, 106-108. »La référence au chant V conduit vers ces deux vers (106-108) dans lesquels Hermès vient dire à Calypso qu’elle doit libérer Ulysse, qui se trouve être « le plus lamentable de tous ceux qui, sous la grand-ville de Priam, étaient allés combattre dix ans, et le dixième, ayant pillé la ville, rentrèrent au logis ». Rien ne se référait donc explicitement à l’image ici proposée.
Notor était confronté à ce problème de fond : l’Iliade ne raconte pas la destruction de Troie car le poème se conclut avant la prise de la ville. Et l’Odyssée donne des évocations très rapides de cette conclusion tragique. Les images de l’Ilioupersis, de la destruction de Troie, sont donc nécessairement distantes des deux poèmes d’Homère.
Plus encore, sur ce sujet de la mort de Priam, il existe des différences entre ce que nous disent les textes grecs littéraires (les textes homériques et les autres) et ce que nous montrent les images. Ce sont des recherches récentes qui ont fait émerger ce décalage . (23)
Les traditions littéraires disent qu’Astyanax est mort projeté à terre du haut des murailles. Or l’image que nous venons de voir représente « le vieux roi Priam avec, sur ses genoux, le petit Astyanax tout ensanglanté ». Les images en effet associent la mort d’Astyanax et celle de son grand-père. Le plus souvent même, elles montrent Astyanax saisi violemment par Néoptolème, qui, le brandissant par un pied, s’en sert comme d’une arme en le projetant violemment sur Priam, réfugié sur l’autel de Zeus.
Notor connaît cette image du petit Astyanax projeté contre son grand-père. Il en publie une gravure à la page 193 de son Odyssée, pour illustrer le chant XIV, avec cette légende :
Une référence renvoie aux vers 241-242 du chant XIV :
« Quand la dixième année nous avons saccagé la ville de Priam, nous revenons chez nous avec tous nos vaisseaux »Toujours la même dissonance. Le texte ne dit rien de ce que nous montre l’image. Il ne fonctionne pas dans le même registre. La référence semble vouloir effacer le problème qui est pourtant manifeste : il n’y a pas de rapport naturel et immédiat entre l’image et le texte homérique. C’est un constat que Notor préfère gommer. Il serait vain de le lui reprocher. Il nous donne à voir des images belles et fortes : aux lecteurs d’aujourd’hui d’apprécier ce problème.
(19) Nous avons vu que l'image « Pénélope reine d'Ithaque » relevait d'une attribution propre à Notor.
(20) En 1923, était publié sous le nom de Atis un recueil intitulé Briséis, évoquant dans une suite de 37 sonnets le destin de la jeune femme jusqu'au moment où Agamemnon l'arrachait à Achille. Edition Etienne Chiron, Paris, avec des illustrations de Kuhn-Régnier. Le texte et ses illustrations sont mis en ligne sur le site http://www.mediterranees.net.
(21)Lettre publiée dans la Revue indépendante, littéraire, artistique, documentaire, Revue trimestrielle d'action nationale et sociale, organe du syndicat des journalistes et écrivains , janvier 1952, p. 2.
(22) Dans le livre de Meret Mangold, Guide d'imagerie antique, La chute de Troie sur les vases antiques, traduction par Adriano de Minicis, Paris, Infolio, 2005. Ilioupersis. Hydrie à figures rouges. Peintre de Kéophradès. 490-480 avant J.-C. Musée archéologique national de Naples, 81669 (H2442).
(23)Voir sur cette question l'article « Astyanax » d'Odette Touchefeu-Meynier dans le LIMC (Lexique iconographique de la mythologie classique), et le livre de Meret Mangold, Guide d'imagerie antique, La chute de Troie sur les vases antiques, traduction par Adriano de Minicis, Paris, Infolio, 2005.